La loi dite "Habitat dégradé" du 9 avril 2024, prolongation ou complément de la Loi Letchimy? Prescription acquisitive décennale et sortie de l'indivision - Outre-Mer
La loi du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations dite loi "Habitat dégradé" a été publiée le 10 avril 2024 au journal officiel.
Plusieurs domaines sont abordés par cette loi qui regroupe 59 articles.
Elle prévoit notamment :
des mesures préventives en copropriété et dans les associations syndicales libres;
des mesures relatives aux obligations du bailleur (renforcement des sanctions notamment en cas de bail non conforme)
des mesures relatives à la lutte contre l'habitat indigne
des mesures relatives aux outils d'intervention publique de traitement de l'habitat dégradé
des mesures spécifiques relatives à l'outre-mer
enfin des mesures diverses
L'une des mesures phares de cette loi est l'article 51 qui modifie de manière significative les dispositions relatives à la propriété immobilière et aux modalités de son acquisition.
Ainsi, l'article 51 prévoit :
"III.-Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin : 1° Par dérogation à l'article 2272 du code civil, le délai pour acquérir la propriété immobilière est de dix ans, à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 2038 ; 2° Par dérogation à l'article 2261 du code civil, la possession par un indivisaire d'un immeuble dépendant d'une succession ouverte avant l'entrée en vigueur de la présente loi et non partagée à cette date est réputée non équivoque à l'égard de ses co-indivisaires, y compris durant la période de possession antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi".
Alors que la prescription acquisitive est de 30 ans afin d'acquérir un bien immobilier en remplissant les conditions d'une occupation paisible, publique, tranquille, non équivoque et non interrompue (art. 2272 du code civil), la nouvelle loi permet désormais à tout occupant remplissant les conditions de pouvoir acquérir la propriété du bien qu'il occupe en prouvant son occupation pendant 10 ans.
La loi Letchimy, loi n°2018-1244 du 27 décembre 2018, visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, était déjà intervenue dans ce domaine.
En effet, entrée en vigueur le 29 décembre 2018 et en application désormais jusqu'en 2038, la loi LETCHIMY a pour but de faciliter les sorties de l'indivision en n'exigeant plus l'unanimité des indivisaires pour régler une succession mais uniquement la majorité.
L'unanimité reste exigible cependant dans 3 cas:
si le bien immobilier était le lieu d'habitation du conjoint survivant;
si l'un des indivisaires était mineur ou majeur protégé sauf autorisation du juge des tutelles
si l'un des indivisaires était présumé absent
Cette loi concerne les successions ouvertes depuis plus de 10 ans.
Le dispositif mis en place est quelque peu contraignant puisqu'il nécessite de recenser tous les indivisaires, puis de faire établir un acte de vente ou de partage par le notaire choisi par l'indivision, ensuite d'obtenir l'accord de la majorité des indivisaires puis de notifier cet accord à tous les indivisaires. Enfin, à la réception de l'accord, les indivisaires peuvent user un droit de préemption ou contester.
Cependant, il suffit de se rendre sur le site de la chambre interdépartementale des notaires MARTINIQUE-GUYANE (les données étant absentes sur le site de la chambre département des notaires GUADELOUPE) pour se rendre compte du peu de succès ou d'efficacité de la loi LETCHIMY dans la règlement des successions.
Le gouvernement a souhaité pallier aux carences de la loi LETCHIMY en prenant des mesures dérogatoires du droit commun. Ainsi les députés, Guillaume VUILLETET et Lionel ROYER-PERREAUT, rapporteurs de la loi, ont souhaité résorber le "désordre foncier qui règne en matière d'indivision et qui stérilise le foncier, empêche la valorisation économique des biens, freine le développement économique local et fait obstable au déploiement du projet d'intérêt général ultramarins." Ils ajoutent que : "le présent amendement a vocation à libérer, accélérer et simplifier l’accès au foncier pour faciliter la construction des équipements nécessaires au développement des territoires. Il facilite les sorties d’indivision, dans le prolongement de la loi du 27 décembre 2018, dite loi Letchimy .
Ainsi, cette loi ayant pour objectif de libérer le foncier, a pour objectif d'accélerer les procédures, au détriment de l'indivisaire qui peu informé ou trop discret ne pourra pas remettre en cause le partage mais pourra se voir indemniser en valeur.
Cette loi doit aussi être le moyen pour l'Etat de lutter contre la résorption de l'habitat insalubre et de mettre en place de nouveaux projets immobliers dans le cadre de l'instauration d'une politique de logement plus efficace.
C'est un coup de tonnerre pour les indivisions successorales en Guadeloupe et dans les départements d'Outre-Mer. Pour certains, il s'agira d'une opportunité, pour d'autres, d'un désavantage majeur.
Mais, le temps est désormais compté. Rappelons que cette loi a une application limitée, puisque ces dispositions seront applicables à compter de son entrée en vigueur et ce, jusqu'au 31 décembre 2038.
Il faut souhaiter que le désordre foncier que cette nouvelle loi entend résorber, n'en entraîne pas davantage.
Me Sandrine FANDO MONTOUT
0590.88.23.80
SFM AVOCAT
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